Funérailles : on enterre les armes, les munitions. On repeint aussi le bunker en jaune pâle. Sur la façade Est, Mina installe les explosifs.
Au début de l’été, nous mangions, en salade, de longues plantes rouges, « Artères de Jupiter », c’était raisonnablement infect, et triste.
L’utopie anarchiste bordelaise se termine brusquement, un mardi. Quelques explosions, une épidémie soudaine, l’avènement du dictateur ivre.
Deux longues secousses ce matin. Peu de chance que le monastère bascule dans la mer mais nous suivions pourtant les consignes napolitaines.
On arrive au hameau par un sinueux sentier forestier. Les petites maisons sont entassées autour d’une, choquante, impie, cahute sur pilotis.
Le canal gelé servait de terrain de chasse à une bande de gamins kantiens. Gare aux chats et aux souris de passage. Les chiens, ça passait.
Igor, en mini short, cuir naturel, se décide enfin. En ville, on ne parle que de ça. Nos troupes, enfin, au nord, hilares, se convertissent.
Les mouettes ne provoquaient qu’un petit désagrément. Les tirs de mortiers étaient vraiment plus ennuyeux que le guano, les hurlements gras.
La réserve : plus de piles, plus de munitions, plus d’eau, juste des boites de Lego, un gros stock, et sept mimes muets. On ferme la porte.
La télé bloquée sur du télé-achat d’avant la Fin. Les miliciens passionnés s’imaginent profiter de ces biens, plutôt agréablement vendus.
Passer la nuit, blottis et nus, tous, sous la couette rapiécée. Conserver la chaleur, observer les ombres sur le mur. Échanger des sourires.
Les eaux du golfe de Naples étaient en permanence surveillées par l’incessant ballet des dirigeables argentins libertaires. On nage en paix.
La 7ème compagnie de paras zaïrois nous dépasse chevauchant de lourdes motos japonaises. Le petit dernier se penche : coeur avec les doigts.
La belle grosse dame apprenait à Carver à être un peu plus courageux face aux infiltrés martiens. Carver, timidement, lui touche le visage.
Dehors, la pluie radioactive, grise, épaisse. Dedans, nous, notre affection mutuelle, nos corps qui se touchent. Sourires.
La citadelle était reliée à l’île par une mince bande de terre assujettie aux marées. On utilisait ensuite un vieux monte-charge effrayant.
Pupilles énormes, dans ce café désert, Igor rencontre, enfin, les jumelles Lee. Dans le ciel, le dirigeable sénatorial, écarlate, rôde.
Quelques minutes avant de débuter ce nouveau projet, je me posais foule de questions métaphysiques. Dans la salle de classe : grand silence.
Les ruines de la cité antique, 1000 soldats inertes rêvent de pluies glacées, de cavernes accueillantes. Mina aiguise sa baïonnette. Brume.
Mardi. On émerge de l’abri de fortune et on se rassemble dans la prairie luminescente. Cueillette et danses variées sont au programme. Nus.
Je ne doute pas que tu sois quelqu’un de raisonnable. Je ne doute pas de tes bonnes intentions. Je ne doute pas de ta réalité. Presque pas.
Mina dévisage Igor, longuement, les mains dans les poches de sa combinaison de saut. Igor ouvre les écoutilles avant. Carver attrape le sel.
Mina et Igor, Le bunker, cuisiner en chantant, chasser la nostalgie qui risque de tout submerger, monter la radio. t.co/E3rnWQOLav
Dans la salle des réformateurs, on discutait âprement de l’éventuelle nudité des touristes saouls, lors de la visite pontificale. Confusion.
Mina, Carver et l’homme à la tête de chat, remontent le flux incessant des réfugiés irradiés, vers le centre, vers la lumière brûlante, nus.
En contrebas, dans les tranchées inondées, Igor et Carver construisent une étrange machine à vapeur. Miliciens, résistants, méditent, ivres.
Rave dans les souterrains, les adolescents, les vieillards, se pressent dans le noir. Les mains se touchent, les lèvres s’effleurent. Ciel !
Le jour de la fin du monde, l’aube était arrivée calmement, comme à son habitude. Tout était normal, partout. Puis, plus rien.
Au bord de la piste de danse, j’hésite fébrilement. Un slow, je m’avance vers elle, et bredouille une demande inaudible : sourire, et rejet.
Les 12 sous-marins nucléaires des Unités Libres Fanfarons du Larzac (ULFL) se cachaient, intelligemment, au fond de la mer. Igor s’ennuyait.
Sous le camion, garé devant la gare en ruine, je fixe le mécanisme explosif, le détonateur à distance, les tracts. Mes mains tremblent trop.
La pluie ne cesse de tomber depuis maintenant 39 jours et autant de nuits. Le capitaine se branche sur la chaîne météo : et demain, soleil !
Sur l’océan, lueurs d’incendies, lointaines, puis, plus tard, la grande chaleur, en attendant la vague terminale. Picoler, sortir les surfs.
Igor, Carver, enlacés, déchiffrent les indications gribouillées sur les boîtes de haricots chiliens trouvées lors de l’ouverture du tombeau.
Collées sous la douche, tiède, les filles complotent. Le son de l’eau trouble astucieusement les micros cachés. Les orteils se touchent. Si.
Cinq amis se disputent la place dans la nacelle. Fin de leur amitié, début de la fusillade. Carver profite du chaos, et de la montgolfière.
Et toujours, le drapeau noir.
Après la première, et brêve, réunion, la cellule s’est accordé sur un point, le drapeau : il sera noir. Noir ça va avec tout. Mina se marre.
Quelques secondes après la Fin, dans le désert vitrifié, seul se tient le narrateur. Pour une fois, les mots lui manquent…
Igor sautille dans le salon. Ses pieds ensanglantés racontent son histoire. Il sautille. Ses mains, ses deux témoins. Et ses yeux, éteints.
Dans les ruines, deux petites filles jouent à la guerre. Mina se fige, mimant une blessure par balle. Carver l’embrasse pour la soigner. Si.
Carver, Mina, commencent à organiser l’évacuation de la tentaculaire mégalopole. On recrute les chauffeurs de taxi, les mimes et les hamacs.
Trois oranges, notre seul bien. Autour du bunker, les prédateurs, peu amateurs de fruits, ne manquent pas. On reporte le départ. Pourtant.
Dans sa citadelle, sur la falaise inexpugnable, le vieux fou prépare sa revanche. Dans la vallée cachée, on termine de difficiles vendanges.
Par une fenêtre étroite de l’ancien monastère devenu hôtel de luxe, Igor contemple l’île, l’adriatique, les ruines du fort détruit. Cloches.
Et nos voix, lointaines, de se mêler, enfin, malgré le vent, glacé. Et une mélodie, optimiste, de retentir dans les couloirs du bunker deux.
Pas de mutilation aujourd’hui. C’est réconfortant. Nos tortionnaires se détendent, jouent au curling, ivres. C’est mon anniversaire.
Et dehors, dans le froid, nul espoir. Seulement la glace grise, la neige noire et les légions aveugles. Igor, à l’intérieur, calcule la fin.
Mina, lasse, assise dans la douche exiguë, se laisse aller à la nostalgie. L’eau, pas très chaude, déborde tranquillement. Dehors, il neige.
Pour quitter le bunker : pressez le bouton rouge, énorme, puis attendez la fin des explosions, puis celle de l’hiver nucléaire, puis sortez.
Un marteau à tête ronde, six clous et un hideux crucifix en laiton, le contenu de sa besace. Ses bottes militaires rouges, un son rassurant.
Le mystérieux salon jaune du dirigeable rebelle : Loulou et Mina, victorieuses, se partagent les restes de l’utopie bourguignonne. Au poker.
Sur la terrasse ensoleillée, le temps semblait passer au ralenti. En contrebas les touristes, ivres, exigeaient de rencontrer le Pape, nus.
Mardi matin, l’épicerie, on arrange les cagettes dans l’espace utilisable. Les premiers clients arrivent rapidement, les navets, ça marche.
La cafétéria bondée, les brumes du sommeil, un thé tiède, le débat mortel du matin qui agite déjà l’abri 813 : la peste ou l’alcool de rat ?
Deuil. Mina accélère. Le véhicule racé tangue dangereusement. Igor termine la vodka. Carver canarde les poursuivants, ivre. Enterrement ok.
Igor, Mina, ludiques.
Dehors, les anciens dieux foulent la terre. Par la fenêtre, les hurlements des premiers sacrifiés. Et, Carver, Mina, ivres, nus, attendent.
Avant la cérémonie. Igor, serviable, bande les seins de Mina. Carver se taille la barbe avec précision. L’homme à la tête de chat ronronne.
Depuis la forteresse ensevelie, Mina surveillait les miliciens ivres depuis deux jours déjà. L’aube, le village désert, la neige, un renard.
Igor, Carver, enlacés. Sensation d’étouffer. Mina chantonne. La nature mutante est d’un rouge orangé. Nos amis découvrent 7 nouvelles fins.
Dans les ruines, les mêmes filles, plus tard. Des fleurs dans les cheveux, elles dansent. Les yeux pétillent, la musique est vraiment extra.
Mina nettoie sa carabine, astique sa lunette. Relire Solanas. Prendre de la hauteur. Tenir compte du vent, retenir sa respiration. Sourire.
Depuis la fenêtre de la chambre 12, à l’aide de mon monoculaire, je peux vous apercevoir en train de peindre sur la plage. L’orage arrive.
Retour au bunker. Sous le t-shirt, scotch noir en croix sur les tétons. Boire de l’eau. Écouter les bombardements, lointains. Tout est bien.
Mina, Igor et Carver, dans le salon, observent le géant, ivre, qui repose sur le canapé, défoncé. À la radio, Electrelane. Ici, il est midi.
Depuis quelques jours la Réalité s’obstinait à dépasser allègrement les limites de la fiction, coupant salement la chique du narrateur, nu.
Nos petits jeux, innocents, ne provoquaient que morts et désolation. Mon nouveau vernis, « tumeur maligne », faisait sensation dans la région.
Quelques minutes avant la fin, l’ambiance est plutôt détendue, blagueuse et amicale. S’effleurer le bout des doigts. Dehors, les incendies.
Mina, Igor, luddites.
Tendre les jambes, les bras, s’étirer au maximum, ronronner brièvement. Par la fenêtre, apercevoir l’aube sur les ruines. Sauter du lit, nu.
Notre minuscule stand de reproduction d’objets. La petite imprimante surchauffe. La refroidir à la Vodka. Extruder un petit dragon. Suspens.
Sous la terre, sous la dalle de béton, sol humide, odeur champignonnière, vibration sourde, les filles frissonnent, se blottissent. Suspens.
Igor était particulièrement sujet au vertige, au mal de mer, aussi. La survie dans une île, sur les hauteurs d’un bunker antique : parfait !
L’homme à la tête de chat, au piano, aimait nous interpréter d’antiques chansons pop d’avant la guerre. Carver l’accompagnait au triangle.
Et nos élites, dangereusement sobres, de décider, en grandes pompes, sur un joli papier doré, et sonnent les trompettes, de ne rien décider.
Mina, Igor, Carver s’embrassent. L’homme à la tête de chat renverse sa coupe sur le mange disque. La fête est annulée. Dehors, on se bat.
La cave, encore, sous l’usine au bord du canal, le béton partout, le groupe électrogène dans un coin, les punks qui s’agitent, nous enlacés.
Pour passer le temps, les tireurs observaient les manigances des soldats arméniens dans la ville basse. Trafic d’organes et poésie lyrique.
Assis en cercle, dans l’herbe verte, nos yeux se croisent, nos orteils se frôlent, nos rires, nos cris. Le soleil sur nos peaux, si pâles.
Dans les débris de la ville décapitée, une boite en acier nu. Au fond de la boîte, sous la sciure, l’espoir et un petit dragon en plastique.
Et notre héros, posté sur les hauteurs de Naples, de contempler les flammes, l’insurrection, les combats et les danses. On rase gratis. Oui.
Depuis les collines, on pouvait apercevoir la mer.
Et notre héros de terminer au poste après une réunion pacifiste, place de la République. Aventure navrante.
Vaincus par l’excellente qualité, la gratuité et l’abondance de biens de consommation culturels, les révolutionnaires somnolent, abusés.
Installé sur la minuscule terrasse du café français, Carver, en transe, terminait les derniers chapitres lapidaires de son brûlot définitif.
Et la souris de jaillir de son trou, courir follement dans la prairie, son coeur palpitant, tant de vie, d’urgence. Dans le ciel, le faucon.
Mina, cheveux rasés, hautes chaussures militaires, jumpsuit noire, assure le spectacle. Ses bras moulinent, hypnotiques. Igor, nu, sanglote.
Mina utilisait un logiciel militaire chinois pour produire d’élégantes aquarelles de la citadelle. Carver préférait les pinceaux humides.
Mina avait trouvé un oud en bon état dans les ruines de Strasbourg. Ses tentatives pour l’accorder correctement ne donnait pas grand chose.
J’attends ton retour, dans ma tour purpurine, mon regard vers la plaine, nulle trace de ton sublime engin, seulement le soleil qui poudroie.
Sur la table : une boite, noire. Dans la boite : cinq millions de nanomachines plutôt agressives. A la porte, les miliciens flous. J’hésite.
La finale du cent mètres, les concurrents, étranges, se bousculent sur la ligne jaune. Le juge lève son pistolet. Frisson dans les tribunes.
On se retrouvait dans le hall pour comparer nos expériences. Puis, après le tirage au sort, on remontait dans nos chambres. Changer de sexe.
Juste avant l’aube, les sirènes. On commençait à s’y habituer. La bonne heure pour nourrir les félins, aveugles. Puis, un thé, vert et fumé.
Sur la table basse en bois sombre, la vieille boîte à biscuits, une centaine de petits sachets. La poudre ne va pas manquer ce soir. Mais.
Dans une boîte de fer, sous le plancher, une multitude de fiches cartonnées, de courts messages. Sur la boîte : « Fragments d’apocalypses ».
Mina invente cent recettes modernes afin de se préparer une apocalypse implacablement ludique. Dans le bunker voisin, on compte les slips.
Igor et Carver, bord de mer, polluée, métaux lourds et poissons morts. Coucher de soleil sur champignon atomique. S’enlacer pour oublier.
Le bunker. Puis Berlin. On verra bien. Puis Paris. Septembre enfin.