Le jour de la fin du monde, l’aube était arrivée calmement, comme à son habitude. Tout était normal, partout. Puis, plus rien.
Mina, Carver et l’homme à la tête de chat, remontent le flux incessant des réfugiés irradiés, vers le centre, vers la lumière brûlante, nus.
On arrive au hameau par un sinueux sentier forestier. Les petites maisons sont entassées autour d’une, choquante, impie, cahute sur pilotis.
Sur la terrasse ensoleillée, le temps semblait passer au ralenti. En contrebas les touristes, ivres, exigeaient de rencontrer le Pape, nus.
Pupilles énormes, dans ce café désert, Igor rencontre, enfin, les jumelles Lee. Dans le ciel, le dirigeable sénatorial, écarlate, rôde.
Mina utilisait un logiciel militaire chinois pour produire d’élégantes aquarelles de la citadelle. Carver préférait les pinceaux humides.
Un marteau à tête ronde, six clous et un hideux crucifix en laiton, le contenu de sa besace. Ses bottes militaires rouges, un son rassurant.
Avant la cérémonie. Igor, serviable, bande les seins de Mina. Carver se taille la barbe avec précision. L’homme à la tête de chat ronronne.
La pluie ne cesse de tomber depuis maintenant 39 jours et autant de nuits. Le capitaine se branche sur la chaîne météo : et demain, soleil !
Igor, en mini short, cuir naturel, se décide enfin. En ville, on ne parle que de ça. Nos troupes, enfin, au nord, hilares, se convertissent.
L’utopie anarchiste bordelaise se termine brusquement, un mardi. Quelques explosions, une épidémie soudaine, l’avènement du dictateur ivre.
Sur la plage, une cloche massive, à demie enfouie. Les restes du presbytère. Nos vélos.
Cinq amis se disputent la place dans la nacelle. Fin de leur amitié, début de la fusillade. Carver profite du chaos, et de la montgolfière.
Dans les ruines, deux petites filles jouent à la guerre. Mina se fige, mimant une blessure par balle. Carver l’embrasse pour la soigner. Si.
Et nos élites, dangereusement sobres, de décider, en grandes pompes, sur un joli papier doré, et sonnent les trompettes, de ne rien décider.
Sur la table basse en bois sombre, la vieille boîte à biscuits, une centaine de petits sachets. La poudre ne va pas manquer ce soir. Mais.
Trois oranges, notre seul bien. Autour du bunker, les prédateurs, peu amateurs de fruits, ne manquent pas. On reporte le départ. Pourtant.
Et le matin, d’arriver enfin, la lumière ; et mains nouées, les chanceux, de cesser leurs méditations troglodytes, émerger, renaitre, enfin.
Pas de mutilation aujourd’hui. C’est réconfortant. Nos tortionnaires se détendent, jouent au curling, ivres. C’est mon anniversaire.
Depuis quelques jours la Réalité s’obstinait à dépasser allègrement les limites de la fiction, coupant salement la chique du narrateur, nu.
Et toujours, le drapeau noir.
La tête me tourne, je zieute alentour, hésite, la vallée ou le campement des hooligans mutants ? Les cyclopes font un excellent vin naturel.
Quelques jours après la guerre, les ruines de l’antique cité. La jungle partout. Les militaires, de tous pays, rient, baisent et pardonnent.
Mina dévisage Igor, longuement, les mains dans les poches de sa combinaison de saut. Igor ouvre les écoutilles avant. Carver attrape le sel.
Sous le camion, garé devant la gare en ruine, je fixe le mécanisme explosif, le détonateur à distance, les tracts. Mes mains tremblent trop.
Dehors, la pluie radioactive, grise, épaisse. Dedans, nous, notre affection mutuelle, nos corps qui se touchent. Sourires.
Allongés dans l’herbe rase, brûlée, on se frôle, souriants, nos doigts lumineux s’enlacent, se crochent, nos peaux irradiées se collent.
La piscine vide, moussue, où grouillent crapauds, moustiques. Igor, en scaphandre, plastique blanc, contemple les champignons, dans le ciel.
Sous la terre, sous la dalle de béton, sol humide, odeur champignonnière, vibration sourde, les filles frissonnent, se blottissent. Suspens.
Vaincus par l’excellente qualité, la gratuité et l’abondance de biens de consommation culturels, les révolutionnaires somnolent, abusés.
Les eaux du golfe de Naples étaient en permanence surveillées par l’incessant ballet des dirigeables argentins libertaires. On nage en paix.
Le bunker. Puis Berlin. On verra bien. Puis Paris. Septembre enfin.
La cave, encore, sous l’usine au bord du canal, le béton partout, le groupe électrogène dans un coin, les punks qui s’agitent, nous enlacés.
Depuis la fenêtre de la chambre 12, à l’aide de mon monoculaire, je peux vous apercevoir en train de peindre sur la plage. L’orage arrive.
Au début de l’été, nous mangions, en salade, de longues plantes rouges, « Artères de Jupiter », c’était raisonnablement infect, et triste.
Passer la nuit, blottis et nus, tous, sous la couette rapiécée. Conserver la chaleur, observer les ombres sur le mur. Échanger des sourires.
Par une fenêtre étroite de l’ancien monastère devenu hôtel de luxe, Igor contemple l’île, l’adriatique, les ruines du fort détruit. Cloches.
Mina me donnait ses vieilles robes, les longues, pas pratiques pour courir. Ça me dépannait totalement pendant la, courte, saison des bals.
Presque plus rien à manger, de l’eau à volonté, neuf cent gélules d’extasy. Nos trois compères ne s’imaginaient pas survivre bien longtemps.
La vie, sur terre, est sur le point de disparaitre. Mais nos amis, goguenards, ne perdent pas le sens de l’humour. La lumière, trop vive.
La 7ème compagnie de paras zaïrois nous dépasse chevauchant de lourdes motos japonaises. Le petit dernier se penche : coeur avec les doigts.
Depuis les collines, on pouvait apercevoir la mer.
Rave dans les souterrains, les adolescents, les vieillards, se pressent dans le noir. Les mains se touchent, les lèvres s’effleurent. Ciel !
Deuil. Mina accélère. Le véhicule racé tangue dangereusement. Igor termine la vodka. Carver canarde les poursuivants, ivre. Enterrement ok.
Quelques minutes avant de débuter ce nouveau projet, je me posais foule de questions métaphysiques. Dans la salle de classe : grand silence.
Les 12 sous-marins nucléaires des Unités Libres Fanfarons du Larzac (ULFL) se cachaient, intelligemment, au fond de la mer. Igor s’ennuyait.
L’architecture néo napolitaine de l’île que les miliciens danois occupaient ne cessait de troubler leurs amants siciliens. Ce soir : boxe.
Arriver en haut de la côte, cracher sérieusement nos poumons. Voir nos poursuivants qui se rapprochent. Pousser vers eux de gros cailloux.
Sur la plage couverte d’algues mutantes mangeuses de chair, un groupe de mariachis, terrorisé, se prépare pour la grande parade du solstice.
Les mouettes ne provoquaient qu’un petit désagrément. Les tirs de mortiers étaient vraiment plus ennuyeux que le guano, les hurlements gras.
Depuis deux heures Mina démonte un vieil obus. On essaie de l’emmener danser, au village, mais impossible de la décontenancer. Elle assure.
Igor et Carver, bord de mer, polluée, métaux lourds et poissons morts. Coucher de soleil sur champignon atomique. S’enlacer pour oublier.
On trouvait dans les collines de nombreuses villas à l’abandon, souvent vidées, nues. Elles nous procuraient de brefs, confortables refuges.
La réserve : plus de piles, plus de munitions, plus d’eau, juste des boites de Lego, un gros stock, et sept mimes muets. On ferme la porte.
Mina, lasse, assise dans la douche exiguë, se laisse aller à la nostalgie. L’eau, pas très chaude, déborde tranquillement. Dehors, il neige.
Au bord de la piste de danse, j’hésite fébrilement. Un slow, je m’avance vers elle, et bredouille une demande inaudible : sourire, et rejet.
Nos trois compères habituels et l’homme à la tête de chat (sérieusement c’est quoi comme nom ça) décident d’envahir le sud du coin cuisine.
Pour passer le temps, les tireurs observaient les manigances des soldats arméniens dans la ville basse. Trafic d’organes et poésie lyrique.
Juste avant l’aube, les sirènes. On commençait à s’y habituer. La bonne heure pour nourrir les félins, aveugles. Puis, un thé, vert et fumé.
Après la première, et brêve, réunion, la cellule s’est accordé sur un point, le drapeau : il sera noir. Noir ça va avec tout. Mina se marre.
Et nos voix, lointaines, de se mêler, enfin, malgré le vent, glacé. Et une mélodie, optimiste, de retentir dans les couloirs du bunker deux.
Le soleil sur ta nuque, je m’approche, le capturer, échec. L’ombre sur ta hanche, roder, bondir, sans résultat. Un tigre dans le salon, hey.
Nos petits jeux, innocents, ne provoquaient que morts et désolation. Mon nouveau vernis, « tumeur maligne », faisait sensation dans la région.
Mina et les enfants soldats jouent dans les décombres du stade bombardé. Ils s’échangent des munitions, tirent au fusil, se font des câlins.
La tournée se termine, Minnesota, plutôt un succès. Le groupe est dans la salle de bain. Allongé sur le lit, je compte le fric. Détonation.
Carver, Mina, commencent à organiser l’évacuation de la tentaculaire mégalopole. On recrute les chauffeurs de taxi, les mimes et les hamacs.
Les siciliens occupaient le hameau depuis 6 semaines. Vote à l’unanimité pour chaque décision importante. Duels acrobatiques pour le reste.
J’attends ton retour, dans ma tour purpurine, mon regard vers la plaine, nulle trace de ton sublime engin, seulement le soleil qui poudroie.
Et la souris de jaillir de son trou, courir follement dans la prairie, son coeur palpitant, tant de vie, d’urgence. Dans le ciel, le faucon.
Je ne doute pas que tu sois quelqu’un de raisonnable. Je ne doute pas de tes bonnes intentions. Je ne doute pas de ta réalité. Presque pas.
La télé bloquée sur du télé-achat d’avant la Fin. Les miliciens passionnés s’imaginent profiter de ces biens, plutôt agréablement vendus.
Recueillie par les prêtresses du Grand Matriarcat Sibérien Erratique, Mina se laissait bercer, son sang renouvelé, enfin. Et Igor, au bagne.
Mina, Carver et Igor, au sex-shop, achètent absolument n’importe quoi. C’est désolant mais aussi plutôt marrant. La vendeuse, hilare, nue.
Le canal gelé servait de terrain de chasse à une bande de gamins kantiens. Gare aux chats et aux souris de passage. Les chiens, ça passait.
Quelques minutes avant la fin, l’ambiance est plutôt détendue, blagueuse et amicale. S’effleurer le bout des doigts. Dehors, les incendies.
La belle grosse dame apprenait à Carver à être un peu plus courageux face aux infiltrés martiens. Carver, timidement, lui touche le visage.
Sur la route de Damas, Igor ramasse cent cailloux blancs. Emballés dans la soie. Pour offrir. Dans le ciel, noirs, les terribles léviathans.
La nuit. Le feu.
Tendre les jambes, les bras, s’étirer au maximum, ronronner brièvement. Par la fenêtre, apercevoir l’aube sur les ruines. Sauter du lit, nu.
Une plume de grive, une brindille sèche de saule et une corde de chanvre pour les nouer ensemble. Ajouter quelques brins d’ADN. Brûler tout.
Le bunker. On se repasse encore les mêmes vieux serials : « Hips, dans ta gueule mon batarang, joker de mes deux tentacules, hips. »
Igor était particulièrement sujet au vertige, au mal de mer, aussi. La survie dans une île, sur les hauteurs d’un bunker antique : parfait !
Sur la table : une boite, noire. Dans la boite : cinq millions de nanomachines plutôt agressives. A la porte, les miliciens flous. J’hésite.
Dans la salle des réformateurs, on discutait âprement de l’éventuelle nudité des touristes saouls, lors de la visite pontificale. Confusion.
Igor fredonne le générique de Maraboud’ficelle, très doucement. Mina serre les poings. Carver verse deux larmes sur un bout d’enfance perdu.
Funérailles : on enterre les armes, les munitions. On repeint aussi le bunker en jaune pâle. Sur la façade Est, Mina installe les explosifs.
Et notre héros, posté sur les hauteurs de Naples, de contempler les flammes, l’insurrection, les combats et les danses. On rase gratis. Oui.
Spoiler : à la fin on va tous mourir.
On se servait d’une simple TR-808 pour déminer la plage. Et de puissants amplificateurs. Il fallait aussi fermer les yeux et y croire, fort.
Dans les débris de la ville décapitée, une boite en acier nu. Au fond de la boîte, sous la sciure, l’espoir et un petit dragon en plastique.
Igor, Mina, ludiques.
Mina, cheveux rasés, hautes chaussures militaires, jumpsuit noire, assure le spectacle. Ses bras moulinent, hypnotiques. Igor, nu, sanglote.
Pour tromper l’ennui, inévitable, nous avions décidé de ne plus nous réfugier dans les abris pendant les bombardements. Ça marche trop bien.
Pour quitter le bunker : pressez le bouton rouge, énorme, puis attendez la fin des explosions, puis celle de l’hiver nucléaire, puis sortez.
Igor sautille dans le salon. Ses pieds ensanglantés racontent son histoire. Il sautille. Ses mains, ses deux témoins. Et ses yeux, éteints.
Je colle l’oreille contre le mur, j’entends les gémissement, les murmures, les incantations. Puis viennent les démons, les sacrifices. Top !
Mina invente cent recettes modernes afin de se préparer une apocalypse implacablement ludique. Dans le bunker voisin, on compte les slips.
Mina avait trouvé un oud en bon état dans les ruines de Strasbourg. Ses tentatives pour l’accorder correctement ne donnait pas grand chose.
Cette nuit là, sous la fragile protection de la tente anti-radiation, dans la grande forêt de Sherwood, les joyeux compagnons se préparent.
Notre minuscule stand de reproduction d’objets. La petite imprimante surchauffe. La refroidir à la Vodka. Extruder un petit dragon. Suspens.