Et toujours, le drapeau noir.
Le jour de la fin de tout, la pluie n’était pas plus abondante, humide ou sale, que la veille. Les enfants riaient. Puis, la grande chaleur.
Mina dévisage Igor, longuement, les mains dans les poches de sa combinaison de saut. Igor ouvre les écoutilles avant. Carver attrape le sel.
Par une fenêtre étroite de l’ancien monastère devenu hôtel de luxe, Igor contemple l’île, l’adriatique, les ruines du fort détruit. Cloches.
Passer la porte extérieure, entrer dans le sas, la porte se referme, puis 39 marches, une gifle, la porte intérieure s’ouvre, palace total.
Igor sautille dans le salon. Ses pieds ensanglantés racontent son histoire. Il sautille. Ses mains, ses deux témoins. Et ses yeux, éteints.
Et notre héros de terminer au poste après une réunion pacifiste, place de la République. Aventure navrante.
La vie, sur terre, est sur le point de disparaitre. Mais nos amis, goguenards, ne perdent pas le sens de l’humour. La lumière, trop vive.
Igor était particulièrement sujet au vertige, au mal de mer, aussi. La survie dans une île, sur les hauteurs d’un bunker antique : parfait !
La télé bloquée sur du télé-achat d’avant la Fin. Les miliciens passionnés s’imaginent profiter de ces biens, plutôt agréablement vendus.
Les eaux du golfe de Naples étaient en permanence surveillées par l’incessant ballet des dirigeables argentins libertaires. On nage en paix.
Mina avait trouvé un oud en bon état dans les ruines de Strasbourg. Ses tentatives pour l’accorder correctement ne donnait pas grand chose.
Trois oranges, notre seul bien. Autour du bunker, les prédateurs, peu amateurs de fruits, ne manquent pas. On reporte le départ. Pourtant.
Pour tromper l’ennui, inévitable, nous avions décidé de ne plus nous réfugier dans les abris pendant les bombardements. Ça marche trop bien.
On trouvait dans les collines de nombreuses villas à l’abandon, souvent vidées, nues. Elles nous procuraient de brefs, confortables refuges.
Dans sa citadelle, sur la falaise inexpugnable, le vieux fou prépare sa revanche. Dans la vallée cachée, on termine de difficiles vendanges.
Igor, Carver, enlacés, déchiffrent les indications gribouillées sur les boîtes de haricots chiliens trouvées lors de l’ouverture du tombeau.
Quelques minutes avant de débuter ce nouveau projet, je me posais foule de questions métaphysiques. Dans la salle de classe : grand silence.
Mina utilisait un logiciel militaire chinois pour produire d’élégantes aquarelles de la citadelle. Carver préférait les pinceaux humides.
Depuis la forteresse ensevelie, Mina surveillait les miliciens ivres depuis deux jours déjà. L’aube, le village désert, la neige, un renard.
La cave, encore, sous l’usine au bord du canal, le béton partout, le groupe électrogène dans un coin, les punks qui s’agitent, nous enlacés.
Passer la nuit, blottis et nus, tous, sous la couette rapiécée. Conserver la chaleur, observer les ombres sur le mur. Échanger des sourires.
Mina, lasse, assise dans la douche exiguë, se laisse aller à la nostalgie. L’eau, pas très chaude, déborde tranquillement. Dehors, il neige.
Nous chassions autour du cratère verdoyant. Nous utilisions les arcs plutôt que les fusils, trop bruyants. Le gibier ne se montrait pas.
On se servait d’une simple TR-808 pour déminer la plage. Et de puissants amplificateurs. Il fallait aussi fermer les yeux et y croire, fort.
Et nos héros, fatigués, de contempler l’arrivée d’une aube timide, mais riche de promesses. Leurs doigts de s’effleurer. Fredonner, sourire.
Dans la salle des réformateurs, on discutait âprement de l’éventuelle nudité des touristes saouls, lors de la visite pontificale. Confusion.
Le canal gelé servait de terrain de chasse à une bande de gamins kantiens. Gare aux chats et aux souris de passage. Les chiens, ça passait.
Mina, Igor, luddites.
Quelques minutes avant la fin, l’ambiance est plutôt détendue, blagueuse et amicale. S’effleurer le bout des doigts. Dehors, les incendies.
Dans une boîte de fer, sous le plancher, une multitude de fiches cartonnées, de courts messages. Sur la boîte : « Fragments d’apocalypses ».
El próximo parabelo es bien el lago del demonio ?
Mina et Igor, Le bunker, cuisiner en chantant, chasser la nostalgie qui risque de tout submerger, monter la radio. t.co/E3rnWQOLav
Sous le camion, garé devant la gare en ruine, je fixe le mécanisme explosif, le détonateur à distance, les tracts. Mes mains tremblent trop.
Depuis deux heures Mina démonte un vieil obus. On essaie de l’emmener danser, au village, mais impossible de la décontenancer. Elle assure.
Assis en cercle, dans l’herbe verte, nos yeux se croisent, nos orteils se frôlent, nos rires, nos cris. Le soleil sur nos peaux, si pâles.
Mina, Carver et Igor, au sex-shop, achètent absolument n’importe quoi. C’est désolant mais aussi plutôt marrant. La vendeuse, hilare, nue.
Sur la route de Damas, Igor ramasse cent cailloux blancs. Emballés dans la soie. Pour offrir. Dans le ciel, noirs, les terribles léviathans.
Pupilles énormes, dans ce café désert, Igor rencontre, enfin, les jumelles Lee. Dans le ciel, le dirigeable sénatorial, écarlate, rôde.
Sur la plage, une cloche massive, à demie enfouie. Les restes du presbytère. Nos vélos.
Je ne doute pas que tu sois quelqu’un de raisonnable. Je ne doute pas de tes bonnes intentions. Je ne doute pas de ta réalité. Presque pas.
Recueillie par les prêtresses du Grand Matriarcat Sibérien Erratique, Mina se laissait bercer, son sang renouvelé, enfin. Et Igor, au bagne.
Mardi. On émerge de l’abri de fortune et on se rassemble dans la prairie luminescente. Cueillette et danses variées sont au programme. Nus.
Je colle l’oreille contre le mur, j’entends les gémissement, les murmures, les incantations. Puis viennent les démons, les sacrifices. Top !
Presque plus rien à manger, de l’eau à volonté, neuf cent gélules d’extasy. Nos trois compères ne s’imaginaient pas survivre bien longtemps.
Sur l’océan, lueurs d’incendies, lointaines, puis, plus tard, la grande chaleur, en attendant la vague terminale. Picoler, sortir les surfs.
Collées sous la douche, tiède, les filles complotent. Le son de l’eau trouble astucieusement les micros cachés. Les orteils se touchent. Si.
Tendre les jambes, les bras, s’étirer au maximum, ronronner brièvement. Par la fenêtre, apercevoir l’aube sur les ruines. Sauter du lit, nu.
Et dehors, dans le froid, nul espoir. Seulement la glace grise, la neige noire et les légions aveugles. Igor, à l’intérieur, calcule la fin.
Sur la terrasse ensoleillée, le temps semblait passer au ralenti. En contrebas les touristes, ivres, exigeaient de rencontrer le Pape, nus.
Avant la cérémonie. Igor, serviable, bande les seins de Mina. Carver se taille la barbe avec précision. L’homme à la tête de chat ronronne.
La 7ème compagnie de paras zaïrois nous dépasse chevauchant de lourdes motos japonaises. Le petit dernier se penche : coeur avec les doigts.
Mina, Igor, Carver s’embrassent. L’homme à la tête de chat renverse sa coupe sur le mange disque. La fête est annulée. Dehors, on se bat.
Le jour de la fin du monde, l’aube était arrivée calmement, comme à son habitude. Tout était normal, partout. Puis, plus rien.
Cinq amis se disputent la place dans la nacelle. Fin de leur amitié, début de la fusillade. Carver profite du chaos, et de la montgolfière.
Deuil. Mina accélère. Le véhicule racé tangue dangereusement. Igor termine la vodka. Carver canarde les poursuivants, ivre. Enterrement ok.
Igor, Mina, ludiques.
Funérailles : on enterre les armes, les munitions. On repeint aussi le bunker en jaune pâle. Sur la façade Est, Mina installe les explosifs.
Nos trois compères habituels et l’homme à la tête de chat (sérieusement c’est quoi comme nom ça) décident d’envahir le sud du coin cuisine.
Et la souris de jaillir de son trou, courir follement dans la prairie, son coeur palpitant, tant de vie, d’urgence. Dans le ciel, le faucon.
La belle grosse dame apprenait à Carver à être un peu plus courageux face aux infiltrés martiens. Carver, timidement, lui touche le visage.
Au bord de la piste de danse, j’hésite fébrilement. Un slow, je m’avance vers elle, et bredouille une demande inaudible : sourire, et rejet.
Le mystérieux salon jaune du dirigeable rebelle : Loulou et Mina, victorieuses, se partagent les restes de l’utopie bourguignonne. Au poker.
Sur la crosse du fusil de Mina, 87 encoches. Carver n’a pas de fusil. Son arme : son charme. Igor, déjà saoul, confectionne des moscow mule.
La citadelle était reliée à l’île par une mince bande de terre assujettie aux marées. On utilisait ensuite un vieux monte-charge effrayant.
Mina, cheveux rasés, hautes chaussures militaires, jumpsuit noire, assure le spectacle. Ses bras moulinent, hypnotiques. Igor, nu, sanglote.
Un marteau à tête ronde, six clous et un hideux crucifix en laiton, le contenu de sa besace. Ses bottes militaires rouges, un son rassurant.
Mina et les enfants soldats jouent dans les décombres du stade bombardé. Ils s’échangent des munitions, tirent au fusil, se font des câlins.
Mina, Igor et Carver, dans le salon, observent le géant, ivre, qui repose sur le canapé, défoncé. À la radio, Electrelane. Ici, il est midi.
Pour quitter le bunker : pressez le bouton rouge, énorme, puis attendez la fin des explosions, puis celle de l’hiver nucléaire, puis sortez.
L’architecture néo napolitaine de l’île que les miliciens danois occupaient ne cessait de troubler leurs amants siciliens. Ce soir : boxe.
La tête me tourne, je zieute alentour, hésite, la vallée ou le campement des hooligans mutants ? Les cyclopes font un excellent vin naturel.
Juste avant l’aube, les sirènes. On commençait à s’y habituer. La bonne heure pour nourrir les félins, aveugles. Puis, un thé, vert et fumé.
Allongés dans l’herbe rase, brûlée, on se frôle, souriants, nos doigts lumineux s’enlacent, se crochent, nos peaux irradiées se collent.
Et le matin, d’arriver enfin, la lumière ; et mains nouées, les chanceux, de cesser leurs méditations troglodytes, émerger, renaitre, enfin.
Après la première, et brêve, réunion, la cellule s’est accordé sur un point, le drapeau : il sera noir. Noir ça va avec tout. Mina se marre.
Dehors, les anciens dieux foulent la terre. Par la fenêtre, les hurlements des premiers sacrifiés. Et, Carver, Mina, ivres, nus, attendent.
L’homme à la tête de chat, au piano, aimait nous interpréter d’antiques chansons pop d’avant la guerre. Carver l’accompagnait au triangle.
Les ruines de la cité antique, 1000 soldats inertes rêvent de pluies glacées, de cavernes accueillantes. Mina aiguise sa baïonnette. Brume.
Une plume de grive, une brindille sèche de saule et une corde de chanvre pour les nouer ensemble. Ajouter quelques brins d’ADN. Brûler tout.
Carver, Mina, commencent à organiser l’évacuation de la tentaculaire mégalopole. On recrute les chauffeurs de taxi, les mimes et les hamacs.
Nos petits jeux, innocents, ne provoquaient que morts et désolation. Mon nouveau vernis, « tumeur maligne », faisait sensation dans la région.
Et nos élites, dangereusement sobres, de décider, en grandes pompes, sur un joli papier doré, et sonnent les trompettes, de ne rien décider.
Sur la plage couverte d’algues mutantes mangeuses de chair, un groupe de mariachis, terrorisé, se prépare pour la grande parade du solstice.
On se retrouvait dans le hall pour comparer nos expériences. Puis, après le tirage au sort, on remontait dans nos chambres. Changer de sexe.
Depuis quelques jours la Réalité s’obstinait à dépasser allègrement les limites de la fiction, coupant salement la chique du narrateur, nu.
Mardi matin, l’épicerie, on arrange les cagettes dans l’espace utilisable. Les premiers clients arrivent rapidement, les navets, ça marche.
Quelques jours après la guerre, les ruines de l’antique cité. La jungle partout. Les militaires, de tous pays, rient, baisent et pardonnent.
J’attends ton retour, dans ma tour purpurine, mon regard vers la plaine, nulle trace de ton sublime engin, seulement le soleil qui poudroie.
La cafétéria bondée, les brumes du sommeil, un thé tiède, le débat mortel du matin qui agite déjà l’abri 813 : la peste ou l’alcool de rat ?
Dans les ruines, deux petites filles jouent à la guerre. Mina se fige, mimant une blessure par balle. Carver l’embrasse pour la soigner. Si.
Le soleil sur ta nuque, je m’approche, le capturer, échec. L’ombre sur ta hanche, roder, bondir, sans résultat. Un tigre dans le salon, hey.
Igor et Carver, bord de mer, polluée, métaux lourds et poissons morts. Coucher de soleil sur champignon atomique. S’enlacer pour oublier.
En contrebas, dans les tranchées inondées, Igor et Carver construisent une étrange machine à vapeur. Miliciens, résistants, méditent, ivres.
Les 12 sous-marins nucléaires des Unités Libres Fanfarons du Larzac (ULFL) se cachaient, intelligemment, au fond de la mer. Igor s’ennuyait.
Cette nuit là, sous la fragile protection de la tente anti-radiation, dans la grande forêt de Sherwood, les joyeux compagnons se préparent.
Et nos voix, lointaines, de se mêler, enfin, malgré le vent, glacé. Et une mélodie, optimiste, de retentir dans les couloirs du bunker deux.
Mina, Carver et l’homme à la tête de chat, remontent le flux incessant des réfugiés irradiés, vers le centre, vers la lumière brûlante, nus.
Déterminer la position du nord magnétique. Mettre trois pointes en acier dans une bourse en cuir de bouc. Lancer la bourse vers le nord. Nu.
Dans les débris de la ville décapitée, une boite en acier nu. Au fond de la boîte, sous la sciure, l’espoir et un petit dragon en plastique.