Pour tromper l’ennui, inévitable, nous avions décidé de ne plus nous réfugier dans les abris pendant les bombardements. Ça marche trop bien.
Mina avait trouvé un oud en bon état dans les ruines de Strasbourg. Ses tentatives pour l’accorder correctement ne donnait pas grand chose.
Quelques minutes avant de débuter ce nouveau projet, je me posais foule de questions métaphysiques. Dans la salle de classe : grand silence.
Et toujours, le drapeau noir.
Mina, Igor et Carver, dans le salon, observent le géant, ivre, qui repose sur le canapé, défoncé. À la radio, Electrelane. Ici, il est midi.
La tête me tourne, je zieute alentour, hésite, la vallée ou le campement des hooligans mutants ? Les cyclopes font un excellent vin naturel.
Le soleil sur ta nuque, je m’approche, le capturer, échec. L’ombre sur ta hanche, roder, bondir, sans résultat. Un tigre dans le salon, hey.
La piscine vide, moussue, où grouillent crapauds, moustiques. Igor, en scaphandre, plastique blanc, contemple les champignons, dans le ciel.
Mina, lasse, assise dans la douche exiguë, se laisse aller à la nostalgie. L’eau, pas très chaude, déborde tranquillement. Dehors, il neige.
Déterminer la position du nord magnétique. Mettre trois pointes en acier dans une bourse en cuir de bouc. Lancer la bourse vers le nord. Nu.
Mina nettoie sa carabine, astique sa lunette. Relire Solanas. Prendre de la hauteur. Tenir compte du vent, retenir sa respiration. Sourire.
Un marteau à tête ronde, six clous et un hideux crucifix en laiton, le contenu de sa besace. Ses bottes militaires rouges, un son rassurant.
Depuis quelques jours la Réalité s’obstinait à dépasser allègrement les limites de la fiction, coupant salement la chique du narrateur, nu.
Carver, Mina, commencent à organiser l’évacuation de la tentaculaire mégalopole. On recrute les chauffeurs de taxi, les mimes et les hamacs.
La cafétéria bondée, les brumes du sommeil, un thé tiède, le débat mortel du matin qui agite déjà l’abri 813 : la peste ou l’alcool de rat ?
Collées sous la douche, tiède, les filles complotent. Le son de l’eau trouble astucieusement les micros cachés. Les orteils se touchent. Si.
Mina, Carver et Igor, au sex-shop, achètent absolument n’importe quoi. C’est désolant mais aussi plutôt marrant. La vendeuse, hilare, nue.
Deuil. Mina accélère. Le véhicule racé tangue dangereusement. Igor termine la vodka. Carver canarde les poursuivants, ivre. Enterrement ok.
Deux longues secousses ce matin. Peu de chance que le monastère bascule dans la mer mais nous suivions pourtant les consignes napolitaines.
Assis en cercle, dans l’herbe verte, nos yeux se croisent, nos orteils se frôlent, nos rires, nos cris. Le soleil sur nos peaux, si pâles.
Dans les débris de la ville décapitée, une boite en acier nu. Au fond de la boîte, sous la sciure, l’espoir et un petit dragon en plastique.
Mina invente cent recettes modernes afin de se préparer une apocalypse implacablement ludique. Dans le bunker voisin, on compte les slips.
Mina utilisait un logiciel militaire chinois pour produire d’élégantes aquarelles de la citadelle. Carver préférait les pinceaux humides.
L’utopie anarchiste bordelaise se termine brusquement, un mardi. Quelques explosions, une épidémie soudaine, l’avènement du dictateur ivre.
Tendre les jambes, les bras, s’étirer au maximum, ronronner brièvement. Par la fenêtre, apercevoir l’aube sur les ruines. Sauter du lit, nu.
La finale du cent mètres, les concurrents, étranges, se bousculent sur la ligne jaune. Le juge lève son pistolet. Frisson dans les tribunes.
Mina, Igor, luddites.
Et notre héros, posté sur les hauteurs de Naples, de contempler les flammes, l’insurrection, les combats et les danses. On rase gratis. Oui.
Les mouettes ne provoquaient qu’un petit désagrément. Les tirs de mortiers étaient vraiment plus ennuyeux que le guano, les hurlements gras.
Dans les ruines, les mêmes filles, plus tard. Des fleurs dans les cheveux, elles dansent. Les yeux pétillent, la musique est vraiment extra.
Le bunker. Puis Berlin. On verra bien. Puis Paris. Septembre enfin.
Depuis les collines, on pouvait apercevoir la mer.
L’architecture néo napolitaine de l’île que les miliciens danois occupaient ne cessait de troubler leurs amants siciliens. Ce soir : boxe.
Le mystérieux salon jaune du dirigeable rebelle : Loulou et Mina, victorieuses, se partagent les restes de l’utopie bourguignonne. Au poker.
Quelques jours après la guerre, les ruines de l’antique cité. La jungle partout. Les militaires, de tous pays, rient, baisent et pardonnent.
Au bord de la piste de danse, j’hésite fébrilement. Un slow, je m’avance vers elle, et bredouille une demande inaudible : sourire, et rejet.
On se servait d’une simple TR-808 pour déminer la plage. Et de puissants amplificateurs. Il fallait aussi fermer les yeux et y croire, fort.
La tournée se termine, Minnesota, plutôt un succès. Le groupe est dans la salle de bain. Allongé sur le lit, je compte le fric. Détonation.
L’agence chargée de gérer les états de catastrophe naturelle décide de fermer provisoirement ses portes aux chefs d’entreprise en fuite. Si.
Mina et Igor, Le bunker, cuisiner en chantant, chasser la nostalgie qui risque de tout submerger, monter la radio. t.co/E3rnWQOLav
Et nos voix, lointaines, de se mêler, enfin, malgré le vent, glacé. Et une mélodie, optimiste, de retentir dans les couloirs du bunker deux.
Igor, en mini short, cuir naturel, se décide enfin. En ville, on ne parle que de ça. Nos troupes, enfin, au nord, hilares, se convertissent.
Mardi matin, l’épicerie, on arrange les cagettes dans l’espace utilisable. Les premiers clients arrivent rapidement, les navets, ça marche.
Passer la porte extérieure, entrer dans le sas, la porte se referme, puis 39 marches, une gifle, la porte intérieure s’ouvre, palace total.
On se retrouvait dans le hall pour comparer nos expériences. Puis, après le tirage au sort, on remontait dans nos chambres. Changer de sexe.
Notre minuscule stand de reproduction d’objets. La petite imprimante surchauffe. La refroidir à la Vodka. Extruder un petit dragon. Suspens.
La vie, sur terre, est sur le point de disparaitre. Mais nos amis, goguenards, ne perdent pas le sens de l’humour. La lumière, trop vive.
Mina et les enfants soldats jouent dans les décombres du stade bombardé. Ils s’échangent des munitions, tirent au fusil, se font des câlins.
Au début de l’été, nous mangions, en salade, de longues plantes rouges, « Artères de Jupiter », c’était raisonnablement infect, et triste.
Arriver en haut de la côte, cracher sérieusement nos poumons. Voir nos poursuivants qui se rapprochent. Pousser vers eux de gros cailloux.
Rave dans les souterrains, les adolescents, les vieillards, se pressent dans le noir. Les mains se touchent, les lèvres s’effleurent. Ciel !
Dans le ciel, au dessus du canal fétide, de noirs cigares propagent la parole sacrée. Sur les rives, on s’essaie au jokari, nus, ivres.
Depuis deux heures Mina démonte un vieil obus. On essaie de l’emmener danser, au village, mais impossible de la décontenancer. Elle assure.
La nuit. Le feu.
Vaincus par l’excellente qualité, la gratuité et l’abondance de biens de consommation culturels, les révolutionnaires somnolent, abusés.
Pas de mutilation aujourd’hui. C’est réconfortant. Nos tortionnaires se détendent, jouent au curling, ivres. C’est mon anniversaire.
Depuis la fenêtre de la chambre 12, à l’aide de mon monoculaire, je peux vous apercevoir en train de peindre sur la plage. L’orage arrive.
Par une fenêtre étroite de l’ancien monastère devenu hôtel de luxe, Igor contemple l’île, l’adriatique, les ruines du fort détruit. Cloches.
Et le matin, d’arriver enfin, la lumière ; et mains nouées, les chanceux, de cesser leurs méditations troglodytes, émerger, renaitre, enfin.
Les 12 sous-marins nucléaires des Unités Libres Fanfarons du Larzac (ULFL) se cachaient, intelligemment, au fond de la mer. Igor s’ennuyait.
Nos trois compères habituels et l’homme à la tête de chat (sérieusement c’est quoi comme nom ça) décident d’envahir le sud du coin cuisine.
Le jour de la fin de tout, la pluie n’était pas plus abondante, humide ou sale, que la veille. Les enfants riaient. Puis, la grande chaleur.
Dans sa citadelle, sur la falaise inexpugnable, le vieux fou prépare sa revanche. Dans la vallée cachée, on termine de difficiles vendanges.
Dans les ruines, deux petites filles jouent à la guerre. Mina se fige, mimant une blessure par balle. Carver l’embrasse pour la soigner. Si.
La cave, encore, sous l’usine au bord du canal, le béton partout, le groupe électrogène dans un coin, les punks qui s’agitent, nous enlacés.
Sur la plage, une cloche massive, à demie enfouie. Les restes du presbytère. Nos vélos.
La 7ème compagnie de paras zaïrois nous dépasse chevauchant de lourdes motos japonaises. Le petit dernier se penche : coeur avec les doigts.
Sur la plage couverte d’algues mutantes mangeuses de chair, un groupe de mariachis, terrorisé, se prépare pour la grande parade du solstice.
Dehors, la pluie radioactive, grise, épaisse. Dedans, nous, notre affection mutuelle, nos corps qui se touchent. Sourires.
L’Empire n’a jamais pris fin.
Quelques secondes après la Fin, dans le désert vitrifié, seul se tient le narrateur. Pour une fois, les mots lui manquent…
On déverrouille la lourde porte métallique. L’entrée est solennelle, personne ne moufte. On se débarrasse des téléphones. Sublime légèreté.
Je colle l’oreille contre le mur, j’entends les gémissement, les murmures, les incantations. Puis viennent les démons, les sacrifices. Top !
Sur la table basse en bois sombre, la vieille boîte à biscuits, une centaine de petits sachets. La poudre ne va pas manquer ce soir. Mais.
Pour passer le temps, les tireurs observaient les manigances des soldats arméniens dans la ville basse. Trafic d’organes et poésie lyrique.
La télé bloquée sur du télé-achat d’avant la Fin. Les miliciens passionnés s’imaginent profiter de ces biens, plutôt agréablement vendus.
Et dehors, dans le froid, nul espoir. Seulement la glace grise, la neige noire et les légions aveugles. Igor, à l’intérieur, calcule la fin.
Igor fredonne le générique de Maraboud’ficelle, très doucement. Mina serre les poings. Carver verse deux larmes sur un bout d’enfance perdu.
Igor, Carver, enlacés, déchiffrent les indications gribouillées sur les boîtes de haricots chiliens trouvées lors de l’ouverture du tombeau.
Juste avant l’aube, les sirènes. On commençait à s’y habituer. La bonne heure pour nourrir les félins, aveugles. Puis, un thé, vert et fumé.
La belle grosse dame apprenait à Carver à être un peu plus courageux face aux infiltrés martiens. Carver, timidement, lui touche le visage.
Dans la salle des réformateurs, on discutait âprement de l’éventuelle nudité des touristes saouls, lors de la visite pontificale. Confusion.
Retour au bunker. Sous le t-shirt, scotch noir en croix sur les tétons. Boire de l’eau. Écouter les bombardements, lointains. Tout est bien.
L’homme à la tête de chat, au piano, aimait nous interpréter d’antiques chansons pop d’avant la guerre. Carver l’accompagnait au triangle.
Quelques minutes avant la fin, l’ambiance est plutôt détendue, blagueuse et amicale. S’effleurer le bout des doigts. Dehors, les incendies.
Dans une boîte de fer, sous le plancher, une multitude de fiches cartonnées, de courts messages. Sur la boîte : « Fragments d’apocalypses ».
Après la première, et brêve, réunion, la cellule s’est accordé sur un point, le drapeau : il sera noir. Noir ça va avec tout. Mina se marre.
Cinq amis se disputent la place dans la nacelle. Fin de leur amitié, début de la fusillade. Carver profite du chaos, et de la montgolfière.
Sur la scène, violemment éprouvée par les bombardements, Carver et l’homme à la tête de chat s’agitent, épilepsie. Épiphanie dans le public.
Mina, Igor, Carver s’embrassent. L’homme à la tête de chat renverse sa coupe sur le mange disque. La fête est annulée. Dehors, on se bat.
J’attends ton retour, dans ma tour purpurine, mon regard vers la plaine, nulle trace de ton sublime engin, seulement le soleil qui poudroie.
Mina, cheveux rasés, hautes chaussures militaires, jumpsuit noire, assure le spectacle. Ses bras moulinent, hypnotiques. Igor, nu, sanglote.
Et nos héros, fatigués, de contempler l’arrivée d’une aube timide, mais riche de promesses. Leurs doigts de s’effleurer. Fredonner, sourire.
Funérailles : on enterre les armes, les munitions. On repeint aussi le bunker en jaune pâle. Sur la façade Est, Mina installe les explosifs.
On trouvait dans les collines de nombreuses villas à l’abandon, souvent vidées, nues. Elles nous procuraient de brefs, confortables refuges.
Sous la terre, sous la dalle de béton, sol humide, odeur champignonnière, vibration sourde, les filles frissonnent, se blottissent. Suspens.
Et la souris de jaillir de son trou, courir follement dans la prairie, son coeur palpitant, tant de vie, d’urgence. Dans le ciel, le faucon.
Mina me donnait ses vieilles robes, les longues, pas pratiques pour courir. Ça me dépannait totalement pendant la, courte, saison des bals.
Trois oranges, notre seul bien. Autour du bunker, les prédateurs, peu amateurs de fruits, ne manquent pas. On reporte le départ. Pourtant.
Sur la table, un carnet contenant toutes les réponses. Dans la salle, sept bandits vraiment malins. Et Mina, prête à tout. Pas un bruit, ok.